Début février, Gaëtan dédicaçait son livre chez Gibert-Joseph à Barbès. Je n’y étais jamais allée mais la libraire est IMMENSE, j’avais l’impression d’être un enfant dans un magasin de jouets !
En vitrine, je suis tombée sur Steak Machine, qui venait de sortir aux Éditions Goutte d’Or, toute jeune maison dont c’est la première publication.
Forcément, vous commencez à me connaître, le sujet me parle. Après avoir lu Faut-il manger les animaux, Bidoche, et No Steak, je me suis dit qu’il serait intéressant de me pencher sur un autre aspect de la question. Car il y a un argument dont on parle peu, quand il s’agit de végétarisme : la condition des travailleurs dans les abattoirs. Du coup, hop, j’ai acheté ce joli petit livre et me suis plongée dedans immédiatement.
Aparté : j’ai hésité et mis du temps à le chroniquer car c’est un sujet délicat qui peut braquer et je ne veux surtout pas que quiconque se sente agressé par cet article. J’ai mangé de la viande pendant les 31 premières années de ma vie donc je ne suis pas en mesure de donner des leçons.
Steak Machine, résumé et avis
Geoffrey Le Guilcher, journaliste, s’est infiltré pendant quarante jours dans un abattoir breton. Il s’est rasé la tête, s’est inventé un père éleveur (“ils aiment bien car ça veut dire que tu ne crains pas le sang” lui dit-on) a changé de prénom et s’est fait embaucher.
Ce livre, c’est le récit de son immersion. On y découvre les douleurs physiques insupportables dès les premiers jours, les blessures, la solidarité entre collègues, la sévérité de la hiérarchie, les horaires à rallonge (surtout quand il y a des promos dans les supermarchés), les éclaboussures de sang ou d’excréments, le turn-over, la cadence infernale… Dans cet abattoir, on tue deux millions d’animaux chaque année et il vaut mieux suivre le rythme si on veut garder son job.
On s’attache aussi à certains de ces ouvriers, on apprend à les connaître, on découvre pourquoi ils travaillent ici, comment ils tiennent le coup et s’entraident. L’un d’eux confiera à Geoffrey : “si tu te drogues pas, tu tiens pas”.
Le ton est un mélange de journalisme et de carnet de bord – on pourrait presque avoir l’impression de lire un (bon) blog, parfois. L’auteur ne nous épargne rien, on a l’impression d’être à ses côtés, de s’imprégner des mêmes odeurs que lui. Cette odeur d’abattoir qui lui colle à la peau et qui l’empêche de finir sa viande le midi…
J’ai trouvé ce “reportage” vraiment intéressant : c’est un angle relativement peu abordé jusqu’ici. Quand on parle des abattoirs, on s’intéresse aux animaux, on montre les images des employés qui les maltraitent (s’est-on demandé pourquoi ils en arrivaient là ?). Mais on parle finalement peu du quotidien souvent insupportable de ces travailleurs. Qui, vous vous en doutez, n’ont généralement pas choisi ce métier par vocation. Je ne cautionne bien évidemment pas la violence qu’on voit parfois dans les vidéos mais s’interroger sur la source de cette violence me semble important.
En tous cas, si vous êtes végétarien, voici un bon argument quand on vous dira qu’avant de vous occuper des animaux, vous feriez bien de vous soucier des êtres humains (argument qu’on entend souvent quand on est végétarien, Coline en parle très bien ici d’ailleurs). Il se trouve que c’est ce que vous faites, car si derrière chaque morceau de viande, il y a un animal, il y aussi tous les hommes et les femmes qui ont participé à son abattage et s’abiment le corps et l’esprit dans ce métier pénible.
Et si on vous rétorque qu’on va mettre tous ces pauvres gens au chômage si on arrête de manger de la viande – à ce moment-là, soyons fous, rétablissons la peine de mort pour redonner du travail aux bourreaux, et cessons de lutter contre le crime pour que les policiers aient toujours des enquêtes à résoudre (oui je suis énervée ^^). Bon, et puis, il faudra bien que des gens préparent nos steaks de soja, hein, ça créera des emplois… ;)
C’est un livre qui donne parfois la nausée, qui met en colère, mais qu’il me semble important de lire, qu’on soit végétarien ou pas, pour “savoir”. C’est aussi, en dehors de ça, de formidables portraits d’hommes (et de quelques femmes mais elles sont peu nombreuses).
Je vous laisse sur cette phrase qui m’a beaucoup marquée. Geoffrey est en entretien avec l’agence d’intérim, il explique quel sera son rôle sur la chaîne : “L’employée attrape son foulard, le met devant sa bouche et marmonne : “On va s’arrêter là” (…) C’est elle qui recrute une partie de la main d’œuvre et elle ne connait rien de l’abattoir. Ou plutôt, comme nous tous, elle ne veut pas le connaître”.
Disponible chez votre gentil libraire.
J’ai très envie de tenter ce bouquin ! Effectivement, c’est important de savoir… cela ne fait pas longtemps que je songe à arrêter totalement la viande (au début, j’ai simplement ralentit ma consommation pour la raison principale que l’on est pas obligé d’en manger tous les jours pour être en bonne forme et qu’il faut beaucoup d’énergie pour produire de la viande…), mais les abattoirs ouvrent le débat sur un sujet tout nouveau pour moi
Merci pour les arguments que tu donnes également, il est parfois compliqué de justifier ces choix auprès de ceux qui ne comprennent pas ^^
Si tu le lis, n’hésite pas à revenir nous donner ton avis :) Si tu ne l’as jamais lu, No Steak est également un très bon ouvrage pour mieux comprendre les enjeux !
Merci, je viens de passer commande.
J’avais déjà lu comme toi et dans le même ordre, Faut-il manger les animaux puis No steak et enfin Bidoche.
Hier encore j’ai regardé le reportage sur France 5 sur la condition des animaux… Les gens ont l’air de plus en plus sensibilisé sur le sujet et c’est tant mieux !!! Mais malheureusement les mentalités changent très/trop lentement…
Oui j’ai l’impression qu’il y a de plus en plus de reportages en ce moment, les choses bougent peu à peu ! Je ne crois pas qu’on puisse tout révolutionner rapidement – c’est dur de changer des habitudes, de bousculer une économie aussi… mais il faut espérer que ça continue à aller dans le bon sens :)
Il est parfait le ton et le contenu de ton article Juliette, vraiment ! Hier on a regardé sur France 5 un reportage sur “la fin de la souffrance animale ?” qui s’attachait aussi à décrire les conditions de travail des employés dans les abattoirs… Horrible mais nécessaire pour comprendre comment on exploite à la fois les animaux et la misère humaine.
Il y a eu un débat ensuite où il y avait Geoffrey (bien agréable à regarder soit dit en passant haha)(je m’égare) notamment et ça m’a donné envie de lire son livre, pour comprendre. Ces endroits rendraient n’importe qui fou et quand j’entendais certaines personnes les qualifier de monstres, j’ai toujours envie de répondre : pour qui font-ils ça ? Qui tient vraiment le couteau ? Pourquoi ces lieux sont-ils aussi cachés (Geoffray disait que même le GPS ne renseignait pas l’endroit) ? Pourquoi préférons-nous persister dans notre aveuglement volontaire ? :/ Je sais que l’analogie peut gêner mais ça me fait vraiment penser aux camps de concentration. C’était caché, on avait une vague idée mais on ne se posait pas plus de questions que ça, mieux valait ne pas savoir… C’était commode. A une autre échelle, ne répétons pas ça.
Je trouve formidable que l’on en prenne de plus en plus conscience et que tu participes à cette prise de conscience. Merci ♡
Hello :)
Je suis justement en train de lire le livre “Plaidoyer pour les animaux” de Matthieu Ricard, dans lequel un chapitre est consacré à l’analogie entre les camps de concentration et les abattoirs. C’est très intéressant ! Il liste les similitudes et les différences en restant très respectueux et se questionne sur la notion de “tuerie de masse”, qui pourrait éventuellement devenir une notion juridique protégeant les animaux, au même titre que celle de “génocide” pour les humains. J’étais très réticente à cette analogie car je la trouvais difficile à établir sans blesser personne, mais Matthieu Ricard le fait de manière bienveillante. Si le sujet t’intéresse je te conseille son livre du coup (j’espère que tu ne l’as pas déjà lu, sinon je blablate pour rien haha).
A part ça merci pour cet article, j’ai très envie de lire ce livre ! Je fréquente très régulièrement ton blog Juliette, mais je ne commente jamais… Du coup c’est chose faite ! :)
Héhé si je l’ai lu et comme toi, je trouve qu’il pose cette analogie de façon très intelligente et délicate – je n’en attendais pas moins de lui ^_^ C’est un livre formidable, je le conseille à tout le monde :)
Merci Laëtitia :) Je te prêterai le bouquin si tu veux ! Ce reportage a l’air vraiment bien, j’espère pouvoir le regarder en replay à mon retour.
Emma, merci, tu me donnes envie de lire Plaidoyer pour les animaux :) J’ai déjà Plaidoyer pour l’altruisme dans ma bibliothèque, je vais commencer par celui-là (mais quel pavé ^^) avant de m’attaquer à celui sur les animaux mais je me le garde en tête pour plus tard. Et merci d’avoir commenté, ça fait vraiment plaisir ! D’autant plus sur des sujets comme ça, qui n’attirent pas les foules…
Ce livre a l’air très intéressant ! Je n’ai lu que le Plaidoyer pour les animaux de Matthieu Ricard pour le moment et je m’intéresse beaucoup à ce sujet. Il démontre d’ailleurs très facilement que c’est assez idiot l’argument que l’on entend souvent comme quoi il faudrait d’abord s’occuper des hommes avant les animaux, car en fait ça n’a pour la quasi totalité des cas aucun rapport, que l’on peut très bien faire les deux :) et que diminuer la consommation de viande, permet d’aider les hommes des pays pauvres qui voit la plupart des cultures s’envoler pour nourrir les animaux que nous mangerons ensuite. Si tu n’as pas lu ce livre, je te le conseille car il est vraiment bien :)
Très intéressant! Je découvre ton blogue par cet article.
Je suis très attachée à la cause animale, c’est en partie pour cette raison que j’ai décidé de devenir végétalienne il y a un an. Pas facile d’en traiter dans un article et tu le fais très bien je trouve.
J’avoue que j’ai peu lu d’articles sur le sujet, j’ai écouté quelques émissions radio et lus des articles mais c’est comme voir des vidéos d’abattoir sur internet, je suis incapable de le supporter. Et pourtant comme tu le dis cela pourrait me donner des arguments face à certains détracteurs…
En tout cas, merci pour les références de livres!
Salut Juliette,
Sur ce thème du travail dans les abattoirs, je te recommande vivement le très bon film documentaire “Entrée du personnel” de Manuela Frésil. Mais tu l’as peut-être déjà vu! Et je note Steack Machine!
Au plaisir de te lire.
Merci pour cette découverte, j’étais justement à la recherche d’un nouveau bouquin. La thématique de ce livre m’interpelle beaucoup, car d’adore les animaux et je suis végétarienne depuis quelques années.
Bonjour quelle est la page du livre ou vous avez trouver la citation à la fin de votre article